Cameroun : trop de débats politiques contre le vivre-ensemble dans les médias
Au Cameroun les débats politiques déchaînent à présent plus de passions que le Foot. Depuis plus de cinq années, la société camerounaise ne vit plus qu’au rythme des humeurs de ses acteurs politiques. Mais en canonisant ces derniers au détriment des hommes et femmes de lettres et de sciences, les médias ne prennent-ils pas le risque d’exacerber les divisions à l’intérieur même du tissu social camerounais ? Dans le pays, une fièvre politique semble s’être emparée de tous les citoyens, du moins de ceux qui se veulent les plus intéressants. Du bureaucrate au moto-taxi, on s’est éloigné des discussions sur les championnats européens, sur les découvertes scientifiques, sur la littérature, les arts et la culture, pour ne parler que de la politique. C’est vrai que tout est politique mais malheureusement, rien ne peut se suffire à la politique.
A présent au Cameroun, avoir de la valeur c’est parler de politique. Tout dans ce pays est expliqué, décortiqué, commenté sur le prisme politique. Le moindre événement socioculturel est récupéré par les hommes politiques de tous bords qui ne laissent plus place ni à la science, ni à la culture ancestrale. Même les scientifiques sont parvenus à mettre sous le boisseau leurs connaissances scientifiques pour donner de la lumière à leurs idéaux partisans. Pourtant pour évoluer, les scientifiques et les artistes doivent être les privilégiés des médias. Les politiques ont droit de cité pendant le temps des campagnes, ou lorsque l’un d’eux a fait une sortie face aux événements du quotidien. On devait avec eux privilégier des interviews et non des débats contre d’autres politiciens sur un plateau. Il faut une méfiance consciente à la parole politique. La sortie d’un homme politique doit être un événement non banal parce que la récurrence des interventions des hommes politiques sur les plateaux, surtout en des temps aussi sensibles que ceux que traverse le Cameroun, exacerbent plutôt des crises, au lieu de les diluer pour le bien de tous.
La politique est une bombe à retardement
Il ne faut jamais prendre au rabais la parole des leaders politiques. Elle est parfois beaucoup plus tranchante que celle des hommes d’église, même si toute deux enferment les masses dans une route tracée et téléguidée. Elle est une lame, trop tranchante même, lorsque nos entrepreneurs politiques ne savent pas contrôler leur langue. Pire, lorsque ceux-ci sont de mauvaise foi. On tombe très vite dans un abrutissement des citoyens lorsqu’ils ne maîtrisent pas le sujet, comme beaucoup sur nos plateaux de télés ces derniers temps qui sont mus par un seul élan, démontrer qu’ils a raison. Beaucoup d’autres mettent la vérité établie par la science de côté pour simplement apparaître bon parleur, plus qu’un sachant. Mais la responsabilité du journaliste est aussi de toujours se rappeler que la masse ne pense pas, qu’elle est influençable, qu’elle déconne vite et que c’est un véritable détonateur dont chaque homme politique véreux voudrait se servir.
De plus en plus, on en vient à la saturation dans nos médias classiques et nouveaux. Il n’est pas bon d’opposer à un homme politique ses pairs, loin des urnes et des temps de campagne. Cela crée une cacophonie et finit par perdre le citoyen. Il n’est non plus bon d’inviter des hommes politiques dans un débat pour commenter les gestes et paroles d’autres hommes politiques, cela fait régresser la cité car le faire c’est mettre de côté des études qui existent pourtant pour expliquer des phénomènes et des épiphénomènes sociopolitiques. Cela n’est pas une pratique de progrès. Dans 80 % des cas lors de nos débats politiques, on a écouté tout le monde, mais on n’a rien retenu pour le progrès. Si ce n’est des dates, des faits pour lesquels on débat, et toutes ces choses que l’on peut retrouver sur le net en un seul clic. Mais jamais, la réception didactique n’est pas claire. Chaque homme politique aura passé le temps à défendre sa chapelle, à lire les faits sous le prisme de sa chaire politique. Selon des instructions reçues de sa hiérarchie, il est tenu par la discipline du parti et la stratégie de la conquête du pouvoir.
Les politiques n’écoutent personne ?
En trois ou quatre ans depuis qu’il y a des crises au Cameroun, avons-nous vu un leader politique, un homme convaincu de son idéal de société se convertir en adepte de son alter ego politique ? Ceux qui ont changé de parti l’ont le plus souvent fait sans jamais avoir fait preuve d’une quelconque vraie conviction politique clairement défendue, mais pour des calculs soient tribaux, pécuniaires, amicaux, soient après une vraie frustration dans le parti politique qu’ils quittent. Un individu convaincu par son idéal politique, qui se bat depuis des lustres pour y arriver ou qui vient d’entrer dans cette arène il y a seulement quelques jours, avec la soif de se batte pour l’idéal de société en laquelle il croit profondément, ne peut aller des radicaux de gauche aux radicaux de droite, d’un parti conservateur à un parti libérale, d’un parti libre-échangistes à un parti nationaliste contre échangiste. Ainsi présenté, comment peut-on mettre de côté les hommes de sciences et privilégier les hommes politiques au moment où la nation est en feu ? Comment continuer dans cette myopie à plaire à un camp lorsque les citoyens demandent une solution à leurs problèmes, lorsque le pays recherche une voie ? /
Arguer que les politiques n’écoutent personne n’est pas valable, dans la mesure où le média n’est pas seulement là pour les gouvernants, encore moins pour ces hommes politiques que les codes octroient un moment précis pour s’adresser librement à la nation dans une propagande légale. Le média est un moyen, un intermédiaire, une entité située entre le surmoi qu’est le Gouvernant, le gestionnaire attitré de la cité et le peuple, le citoyen lambda. Il contrôle le premier contre l’abus de pouvoir et éduque la masse pour une prise de conscience, contre l’ignorance et la manipulation. Quelle incongruité n’est-ce pas, lorsque le média devient complice du premier en invitant des individus qui débitent des énormités qu’il ne cadre pas ou bourreau du second qu’il enfonce dans la bêtise et se sert comme moyen de son explosion. Que de débats connus, que de plateaux faits. Pourtant jusqu’à présent, personne ne dit que l’autre a raison, aucun camp ne baisse en arguments. Le mensonge, la fourberie, la ruse, l’ignorance, la dualité, l’hypocrisie, voire la fourberie sont quelques vices qui sont devenus rois dans notre aire politique. Et cela aussi est devenu normalement banal comme la haine, le tribalisme, l’insulte aux autorités et le mensonge sur la réalité économique, financière, sociale et même quotidienne sur le Cameroun.
La mue doit s’opérer dans nos débats politiques
On est en politique parce qu’on a des convictions (vraies ou fausses), parce qu’on a des valeurs à défendre (bonnes ou mauvaises), parce qu’on a des idées à combattre ou des pratiques à dénoncer mais non des hommes à vilipender, et des gens à bousiller. On nous a faits croire que la pluralité est la démocratie, que l’alternance est source de bonheur et de développement. Sans regarder du miroir de nos cultures naturelles, nous y sommes engouffrés sans plus de possibilité de sortie. Quelle naïveté de croire que c’est sur un plateau de télé ou de radio qu’un homme politique va dire ouvertement que son adversaire politique a raison, que celui qu’il combat politiquent gère bien, que son adversaire est à la hauteur des enjeux. Il cesserait dès lors d’être un opposant « crédible ». C’est-à-dire celui qui a cessé de ne montrer que le mauvais côté de son adversaire, afin de lui ravir le pouvoir ou à défaut, de le discréditer aux yeux du monde. On le priera alors d’être clair, de regagner son nouveau parti.
Un média est aussi fait pour éduquer, pour informer, pour bousculer les lignes, mais pour augmenter la connaissance mais non pour abrutir. L’excès nuit, on le sait tous. L’excès de débats politiques, loin des scientifiques et des experts des questions techniques, nuit gravement à la santé morale et au vivre-ensemble des citoyens. On peut parler politique avec les scientifiques (pas ceux qui parlent pour des partis sous le manteau d’un titre académique), avec des professeurs et maître de conférence des Universités, des enseignants, avec des économistes sur des mesures politiques à prendre, comme avec des experts en finances. Des experts en stratégie de ci et de ça. Bref, avec un tas de monde, au lieu d’opposer les hommes politiques entre eux autour des débats qui se soldent des fois avec l’arrêt en queue de poisson de l’émission. Les scientifiques montrent la voie, et doivent à présent prendre le relais.
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