Tribune de Sam Mbendè sur la crise culturelle au Cameroun (Fin)
(Avez vous lu la 2nde partie ?)
Le Cameroun peut-il se sortir de sa crise culturelle ? Problèmes et ébauche de solutions.
De ce qui précède, pour éviter toute confusion, la différence est nette entre un artiste interprète qui est un exécutant et un auteur qui est un créateur même si très souvent, on retrouve des personnes qui sont à la fois auteurs et interprètes. Le statut de l’artiste interprète et celui de l’auteur entraînent forcément la notion du travail, donc l’emploi et la protection sociale (à travers la pension viagère, la mutuelle, l’assurance, etc.…). Il ne peut y avoir de statut de l’artiste sans un contrat de travail. D’où la nécessité pour les syndicats d’artistes de se mouvoir à travers des propositions concrètes à adresser au ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle et devant aboutir éventuellement à la signature d’une convention collective associant toutes les parties (tenanciers de cabarets, producteurs de spectacles, entreprises culturelles et audiovisuelles, syndicats d’artistes et ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle). Et dans le strict respect du cadre de la loi prévue à cet effet à l’exemple du code du travail.
C’est donc à tort que certains artistes et même de pseudo syndicats font des revendications dans ce sens au ministère de la Culture et aux organismes de gestion collective de droit d’auteur pour leur statut. Ce n’est qu’après cette étape que les artistes interprètes peuvent s’affilier au régime général de la sécurité sociale et bénéficier des prestations sociales (remboursement des soins, immatriculation à la sécurité sociale – CNPS, versement des cotisations à la sécurité sociale, calcul des montants des cotisations à partir des salaires, taux de cotisation, retraite complémentaire – mutuelle). Le véritable problème qui va se poser ici est celui de savoir quelle personne versera les cotisations. Lorsqu’on sait par exemple que les artistes des cabarets ne touchent que du menu fretin et que par ailleurs les patrons desdits cabarets ne sont pas prêts à jouer franc jeu, on comprend aisément les blocages auxquels pourrait faire face une telle initiative. Le calcul des montants de cotisation et les taux de cotisation doivent être calculés avec précision lors des études de faisabilité par des professionnels. Contrairement au statut de l’artiste interprète, il est difficile d’évoquer le statut de l’auteur car à la différence d’un artiste interprète qui, lui, joue ou exécute, l’auteur (musicien, parolier, adaptateur, arrangeur) n’est pas un salarié par son travail de création. Par conséquent, je ne peux qu’évoquer sa protection sociale.
Tout comme pour l’artiste interprète, il serait de bon ton qu’une loi puisse prévoir que les auteurs soient affiliés au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et puissent ainsi bénéficier des prestations familiales dans les mêmes conditions que tous les autres Camerounais. L’on devrait également prévoir la création d’une assurance pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs qui permettra par exemple à ces derniers de se soigner et d’avoir une retraite complémentaire (sorte d’allocation vieillesse) qui leur permettra de ne pas mourir dans l’indigence. Combien devra prévoir l’auteur pour y être affilié ? D’après une pré-étude, les prévisions faites sont disproportionnées par rapport au revenu réel de chaque auteur. D’où la prévision d’un minimum très faible des revenus qui doivent être tirés de l’activité de l’auteur et qui sont constitués en pratique des redevances versées par la société de droit d’auteur.
Les diffuseurs des œuvres (producteurs, entreprises de production des spectacles, radios et télévisions) devraient également payer des cotisations à la sécurité sociale en faveur des auteurs. Le mode de calcul est à déterminer au cours des études de faisabilité. D’ores et déjà, dans le contexte actuel, il est difficile étant donné l’amateurisme qui caractérise ces diffuseurs d’œuvres. A mon humble avis, l’on devrait appliquer un taux varié entre 1 et 5% de la redevance perçue auprès de chaque diffuseur. A très court terme, et dans l’espoir d’une franche collaboration de la part des sociétés brassicoles et des entreprises audiovisuelles, ces points sont réalisables dans trois ans avec un bond spectaculaire.
Mais, dans le cas contraire, il n’est pas permis d’espérer avant dix, voire vingt ans. Sans oublier que dans l’intervalle, si l’on n’anticipe pas et ne maîtrise pas très vite le peer to peer dans l’Internet ainsi que le picorage et même le téléchargement légal avec l’avènement de la fibre optique au Cameroun, si l’on y ajoute aussi la mauvaise foi manifeste des usagers qui sont réticents à payer leurs redevances, l’on assistera à la disparition pure et simple des sociétés de droit d’auteur au Cameroun, l’enjeu de la piraterie des œuvres étant devenu numérique. Dans les axes prioritaires de sa politique culturelle présentée en 2004, le président de la République, Son Excellence Paul BIYA, avait mis un accent particulier sur le partenariat public-privé. Et c’est certainement dans cette logique qu’il a cru bon d’anticiper en 2001 en créant le Compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle. Malheureusement, sept ans après, les industries culturelles demeurent encore au stade embryonnaire, la vision du Chef de l’Etat n’étant pas toujours traduite dans les faits par ceux-là qui en ont la charge. Est-ce par ignorance ? Est-ce par laxisme ?
Cette situation remet au goût du jour le problème des droits voisins qui ont été consacrés au Cameroun par la loi du 10 août 1990 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, promulguée en son temps par le président de la République. Malheureusement, dix-huit ans après, rien n’a toujours été fait. Le constat est amer. Leur développement aurait dû pourtant, à ce jour, renflouer abondamment le Compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle conformément à l’article 3 du décret portant création dudit Compte. Peut-être faut-il le relever, l’avènement desdits droits en 1990 a été qualifié de «révolutionnaire » par les spécialistes, l’OMPI et diverses structures internationales ayant congratulé le président de la République à cet effet. Le Cameroun figurait alors parmi les cinq premiers pays au monde qui se sont dotés des droits voisins.
Ainsi en est-il aussi de la loi sur le mécénat et le parrainage d’une part et de celle sur les entreprises culturelles d’autre part qui ont été, elles aussi, promulguées par le président de la République mais dont les décrets d’application ont tout simplement été enterrés au cimetière de l’oubli, rendant ainsi impossible l’émergence des industries culturelles au Cameroun. Face à l’impasse actuelle, le Chef de l’Etat serait sans doute, un jour, en droit de demander à toute la classe artistique nationale de lui rendre des comptes. Avec raison. Aussi apparaît-il évident que le but, au fil des ans, s’éloigne sans cesse de nous. Plus nous avançons, plus nous devons admettre notre nullité. Notre récompense se trouve désormais dans l’effort et non plus dans le résultat. Un effort total est une complète victoire. Je reste un optimiste invétéré, croyant à la toute puissance de Dieu et à la victoire de la vérité. Je n’ai, malgré tout, aucun doute sur l’avenir de mon cher et beau pays, le Cameroun, et celui de l’humanité. Allons-y vite ! Soyons pour la paix, le travail et la patrie !
PS : La culture, en tant qu’objet de commerce et facteur de rayonnement d’un pays, nécessitant une alliance des acteurs du développement, cette modeste contribution de ma part à la réflexion a été adressée à Madame la ministre de la Culture le 14 septembre 2007. Plus d’un an après, il est urgent d’agir.
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